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Bonjour tout le monde et bienvenu dans Parsec, une petite série de vidéos qui s’intéresse à la grandeur des choses.
Dans le premier épisode on s’est intéressé à prendre une idée de la grandeur des nombres dont on parle régulièrement, de la centaine jusqu’au million. Aujourd’hui on va regarder complètement autre chose, puisqu’on va s’intéresser à un biais de notre cerveau qui nous trompe presque quotidiennement. C’est d’avoir une idée de la différence qu’on a entre deux nombres.
// GÉNÉRIQUE //
Le titre peut peut-être vous paraître mystérieux, mais notre cerveau est taquin ! En effet, quand on parle d’une suite de nombre ou d’une augmentation de quelque chose, on n’a tendance à ne voir l’augmentation que si elle est exponentielle. Je m’explique.
Ici je vous présente deux images. Dans celle de gauche on a 2 points et dans celle de droite on en a 5. Il nous est facile de voir laquelle des deux en a le plus grand nombre.
Maintenant une autre image. On a la même différence entre les deux, c’est à dire qu’une des deux images a 3 points de plus que l’autre. À part compter les points, et faire des traces de doigts sur l’écran, on a beaucoup de mal voir la différence. Dans l’image de droite j’ai 20 points et dans celle de gauche j’en ai 23. Mais pourquoi ça nous paraît si similaire ?
En fait notre cerveau a tendance à voir ces différences de façon exponentielle. Ça veut dire que ce n’est pas le nombre de points qui compte pour nous, mais le rapport de points en plus. Si je veux voir la même « différence » entre les deux images, il faudrait que j’ajoute 30 points entre les deux. 30 points ! Alors qu’au début on avait une différence de 3 points.
Bon au final on est comme ça et c’est pas très grave si ?
Non c’est pas très grave mais ça nous induit en erreur quand on parle de suites de nombres croissantes. On ne se rend pas compte de la vitesse à laquelle ces nombres augmentent. Allez, tout ça reste bien théorique, alors on va prendre un exemple célèbre. Peut-être que certains d’entre vous ont entendu parler de l’histoire du Sage Sissa et de l’échiquier.
Il y a bien longtemps, environ 3000 ans avant notre ère, un roi qui s’ennuie. Le roi Belkib est du coté des Indes. Il promet donc une grande récompense à quiconque trompera son ennui. Et c’est le sage Sissa qui lui propose un jeu. Alors il ne s’agit pas encore du jeu d’échec comme on le connait aujourd’hui, mais du Chaturanga, le jeu des 4 rois qui fait partie des inspirations qui ont donné naissance au jeu d’échec moderne. Et ce jeu des 4 rois se joue sur un plateau de 8 cases par 8 cases, soient 64 cases comme l’échiquier moderne.
Le roi, ravi du jeu, propose donc que Sissa dise ce qu’il souhaite avoir en récompense. Sissa répondit qu’il lui suffirait que le roi pose un grain de riz, ou de blé suivant les versions de l’histoire, sur la première case de l’échiquier. Sur la seconde case, il double le nombre de grains de riz, soit 2 grains de riz. Puis 4 sur la suivante, 8, 16, 32, etc jusqu’à remplir la totalité des cases de l’échiquier.
Le roi, surpris de la modestie de la demande de Sissa qui aurait pu lui demander de l’or ou des terres, lui accorde la demande. Malheureusement, quelques jours plus tard le conseiller du roi vient annoncer qu’il a ruiné le royaume en accordant la récompense à Sissa… Suivant les différentes versions de la légende, on dit que Sissa eut la tête tranchée pour avoir ruiné le royaume. D’autres versions racontent que le roi accepte de payer Sissa à condition qu’il vienne lui même compter les grains de riz qu’il empochera.
Quoi qu’il en soit, on a ici un bel exemple du piège d’une augmentation par multiplication. À chaque case on multiplie par deux le contenu de la précédente. Avec des nombres entiers, on ne peut pas multiplier par moins que 2, c’est donc une progression qui semble assez raisonnable. Et à cause de notre biais, on se représente cette progression comme linéaire. Sauf que….
Si je regarde le nombre de grains de riz sur les cases j’ai: 1 2 4 8 16 32 64 128, etc. Pour la première case j’ai 2 puissance 0 grains de riz, soit 1. Pour la seconde j’ai 2 puissance 1, soit deux. Pour la troisième j’ai 2 puissance 2, soit 2×2. Pour la quatrième j’ai 2 puissance 3 soit 2 fois 2 fois 2, donc huit etc.
Si je regarde combien il faut de grains de riz sur la dernière case, la case 64, il faut donc 2 puissance 63 grains de riz si je suis ma progression. Et si je fais le calcul, ça me donne 9 223 372 036 854 775 808. Soit plus de 9 milliards de milliards de grains de riz.
Alors je ne sais pas pour vous mais pour moi, ça a l’air d’être un grand nombre. Mais grand comment ? Je n’en ai aucune idée. Alors on va essayer de regarder à quel point ce nombre est grand.
Il semblerait qu’on puisse trouver environ, car tout est une histoire d’ordre de grandeurs, trente cinq mille grains de riz dans un kg. Ça nous donne un bon point de départ. Puisque du coup, je vais arrondir aux entiers, mais ça me donne 9 223 372 036 854 775 808 divisé par 35000 soit 263 524 915 338 707 soit 263 mille milliards de kg. Ah oui, quand même. On convertit ça en tonnes ? Vu qu’il y a 1000 kg dans une tonne, ça me donne 263 milliards de tonnes environ.
Je ne vois toujours pas à quoi correspond ce nombre là, c’est grand, très grand, mais il faut le ramener à quelque chose que je puisse me représenter pour savoir. Ah, j’ai une idée. Combien produit-on de grains de riz par an ? D’après le site dede la FAO des nations unies, on tourne autour des 500 millions de tonnes pour 2018. Donc si je fais la division 263 milliards de tonnes divisé par 500 millions j’obtiens: 526. Il faut donc 526 ans de la production mondiale de riz de 2018 pour pouvoir remplir…. juste la dernière case de l’échiquier !
Alors du coup, avec mon kilo de riz, je peux remplir combien de cases ? En fait je ne peux même pas remplir les deux premières rangées, il en faut 2 kilos pour ça…
Mais pourquoi ces nombres sont si grands ? Hé bien c’est dû au fait que la progression est exponentielle et pas linéaire. Dans notre cerveau, même si on a une progression aussi rapide que celle-ci, ou pire !, on ne se la représente que d’une façon linéaire. Mais à partir du moment où on ne fait pas une addition, mais une multiplication, ben c’est pas linéaire.
Et ça, c’est pas valable juste pour de vieilles histoires. Il y a aussi une manipulation célèbre. Si on essaie de plier une feuille en deux. Puis le résultat encore en deux jusqu’à ne plus pouvoir plier la feuille, on va se rendre compte qu’il nous sera très très compliqué de plier la feuille plus de 7 fois en deux. 7 fois seulement. Car on double l’épaisseur à chaque fois, et la surface est divisée par deux à chaque fois. Essayez, vous verrez. Et si on pouvait plier 54 fois un papier de 10 micron d’épaisseur, on obtiendrait un pliage qui dépasse la distance de la terre au soleil. Parce qu’on double à chaque fois !
Je ne vous dis pas la vitesse de progression quand on parle de disques durs et de volumes multipliés par 10 à chaque fois du coup. 1 Go, 10, Go, 100 Go, 1To, 10 To…. là on commence peut être à se rendre compte de la différence incroyable entre 1 Go et 1 To…
Alors mon conseil pour ça, c’est chaque fois que vous voyez des nombres qui augmentent par multiplication, méfiez vous ! On n’est pas câblé pour appréhender les volumes que ça représente… Et on se fait facilement avoir !
Alors voilà pour ce second épisode de Parsec, et j’espère qu’il vous a plu. Je cherche encore la bonne formule et je ne sais pas trop où je vais avec cette série, mais ej crois que ça peut être un truc rigolo pour les prochains épisodes. En tous cas, si ça vous a plu, n’hésitez pas à vous abonner pour être averti du prochain épisode.
Quant à moi, je vous dis à la semaine prochaine pour une autre vidéo ! Ciao les Geeks !